Prise de vue analogique; épreuves à jet d'encre pigmentaire
Paris, début mai 2017 : spleen printanier ou rupture sentimentale imminente ? Des symptômes mélancoliques affectent mon humeur. Envie de changer d’horizon.
Je regarde par la baie vitrée. Le jour se lève, la lumière frontale et rasante envahit l’espace. Je songe à Albert Marquet, planté à la fenêtre de son atelier parisien, guettant jour après jour les variations de la lumière à l’intérieur de ce cadre invariant ; aux maîtres de la Renaissance et à la perspective fondamentale ; aux aplats des Nabis.
Je dois reconfigurer mes paysages, créer ma propre partition spatiale. Imposer ma matière noire à l’infime clivage entre ciel et terre qui, devant moi, s’étire de la passerelle Simone de Beauvoir à gauche jusqu’à l’extrémité du Bois de Vincennes à droite.
Comme Marcel Duchamp pour son porte-bouteille un siècle plus tôt, je me dirige vers le Bazar de l’Hôtel de Ville en quête d’un horizon "ready made". A quel objet recourir ? Quelle forme, quelle matière ? Rigide ou souple ? Au détour d’un rayonnage, je tombe sur une longue baguette. Je la cambre, la contrains en un arc. Entre mes doigts, le bois en flexion imprime déjà ses besoins de rupture.
De retour dans mon atelier, je l’installe en tension dans le cadre de ma fenêtre et l’ajuste pour qu’elle passe pile au milieu de mon objectif.
En plongée la ville s’étale, au dessus le ciel s’étend.
Avant de déclencher ma première prise de vue, j’apporte l’ultime touche au dispositif. Je secoue la bombe de peinture noire et spraie l’horizon.
Analogical Photography; inkjet print on Baryta paper
Analogfotographie; Tintenstrahldruck auf Barytpapier