Prise de vue analogique; épreuves à jet d'encre pigmentaire
Les trois Gorgones attiraient l’œil des hommes grâce à leurs tignasses de serpents dorés pour les pétrifier, Aphrodite enveloppait sa nudité dans ses boucles infinies, à la libération on tond les femmes qui ont abusé de leur séduction, les religieuses portent la coiffe, et aujourd'hui, pour nombre de musulmans, la portée sexuelle et intime de la chevelure justifie qu'elle ne soit dévoilée que dans l'intimité.
Isoler la chevelure n'est pas innocent. L’abstraction de tout autre attribut féminin pour ne garder que celui-ci fait appel à un imaginaire universel, symbole d'érotisme, de la mythologie aux contes populaires.
La première fois, ça n’était pas prémédité. Ma compagne avait posé pour moi; j’avais cherché dans ses yeux, sur ses mains, dans ses postures, les signes singuliers de sa sensualité. Et puis, comme elle m’offrait à voir son dos, j’ai détaché sa chevelure sur le velours blanc. J’y découvrais, au-delà des formes et des volumes, des strates emmêlées de son existence, une intimité jusque-là non dévoilée. Une vision de sa féminité qui lui échappait, un érotisme involontaire.
Par la suite, et pendant quinze années, j’ai pris l’habitude de demander à chacune de mes modèles de pouvoir photographier sa chevelure en préambule à la séance de pose. Rituel d’approche, rencontre plus mystérieuse qu’un échange de regards. Manière d’apprivoiser.
J’ai travaillé sur mes séries, et laissé chacune de ces photos en amorce de sa planche contact, où elle figurait comme une introduction hors sujet.
Longtemps ces chevelures sont demeurées des souvenirs perdus, une collection oubliée, dans lesquels j’avais enfouis fantasmes et rêveries, jusqu’au jour où, relisant «La chevelure» de Baudelaire, me vint le désir de les retrouver. Dans le désordre d’un premier montage intuitif, elles ont soudain pris une dimension sauvage.
Analogical Photography; inkjet print on Baryta paper
Analogfotographie; Tintenstrahldruck auf Barytpapier